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Next Steppe : Un couple à pied dans le Gobi
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22 juin 2012

Un aperçu de la vie des éleveurs nomades

Nous marchons sous une pluie drue que le vent pousse vers nous. Le ciel est bas et gris, le paysage comme figé sous une morosité inhabituelle. Encore une centaine de kilomètres et nous serons à Ulaan Baatar. D'ici deux heures nous devrions trouver refuge dans une petite ville minière et pouvoir y déjeuner. Nous avons quitté la route et progressons sur un chemin qui longe la voie ferrée à près d'un kilomètre du bitume. Un nomade en moto nous rejoint, s'arrête, nous désigne sa ger posée sur la steppe à quelques centaines de mètres et nous propose de venir nous y restaurer.
C'est le début d'une très belle immersion dans le quotidien d'une famille d'éleveurs, que nous quittons à regret au bout de 24 h car nous devons impérativement rejoindre la capitale pour faire prolonger notre visa.
C'est actuellement les vacances scolaires d'été qui durent entre 1 et 3 mois selon l'âge des élèves. Ainsi, les enfants et adolescents sont dans les campagnes et les familles sont au complet. Celle qui nous accueille compte 4 fils de 10 à 16 ans, mais seuls deux sont présents par intermittence ce jour-là. Ils se partageront la nuit venue un lit une place. Comment font-ils lorsque la fratrie est rassemblée ? Deux d'entre eux dorment probablement à me le sol.

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C'est le père, un homme de 45 ans, jovial, rieur et hyper curieux qui s'occupe de nous. Un mouton a justement été tué ce matin. Des notre arrivée nous avons donc tout loisir d'y goûter. La viande mouton est traditionnellement juste bouillie, puis servie telle qu'elle dans une bassine contenant des couteaux. Chacun mange à sa guise en détachant quelques morceaux d'une pièce de viande qui est ensuite reposée dans le plat. Les os sont racléà tel point qu'il ne reste pas même de quoi les jeter aux deux chiens qui gardent yourte et troupeaux. En parallèle, nous dégustons avec plaisir les aliments blancs qui sont la base de l'alimentation des nomades en été. Il s'agit de tous les dérivés du lait (de vache dans notre cas). Une petite partie de la traite sert à faire le tsai, lethé au lait salé mongol. Comptez environ 2/3 d'eau, 1/3 de lait entier, quelques feuilles de thé et du sel. Mettre à bouillir, remuer, filtrer et déguster. Au goût, le tsai est vraiment proche d'un lait chaud salé. La saveur du thé est peu présente, mais ce ne pourrait être autrement du fait de la faible quantité de feuilles, à peine une pincée pour 2 à 3 litres. Le reste du lait est porté à ébullitiondans un grand wok, puis mis à refroidir dans un coin de la yourte. 12 heures plus tard, deux phases distinctes se sont séparées : la peau du lait et la majorité des lipides ont figé sur 2-3 cmd'épaisseur, et donnent un intermédiaire entre fromage fondu et beurre. La phase plus aqueuse est une sorte de yoghourt dont la texture ressemble à une faisselle. Le tsai, le fromage/beurre quis'étale sur une tranche de pain et peut se saupoudrer de sucre et le yoghourt/faisselle qui se mange nature ou sucré sont absolument délicieux et incroyablement frais. 

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L'après-midi avance et nous enchaînons les sujets de conversations assez pointus avec notre hôte. Insatiable, il épluche notre guide de conversation mongole et extrait des mots à partir desquels nous construisons un dialogue soutenu par nos gestes et mimiques, des dessins sur notre cahier et le vocabulaire que nous piochons dans notre phrasal book. Nous comparons les grandes problématiques nationales, à savoir alcoolisme et pauvreté en Mongolie contre chômage et difficultés économiques en France. Nous expliquons les enjeux politiques de nos nations, les Mongols étant appelés aux urnes fin juin pour renouveler l'Assemblée. Ils attendent tous beaucoup de ce vote, espérant réduire un peu plus la corruption et redynamiser cette institution puissante. Nous commentons la flore et la faune de chacun de nos pays, les espèces en voie de disparition, celles qui sont chassées (marmottes, loups dans le nord) et celles qui font l'objet d'une protection (chevaux sauvages de Przewalski). Nous passons en revue les différents climats, la géographie, la démographie, la densité, le réseau hydrographique de nos contrées. Nous en apprenons un peu plus sur le Zuud, ce phénomène climatique qui anéantit les cheptels en hiver et contraint les nomades, sans ressources, à grossir les rangs des faubourgs de yourtes de la capitale. L'alcoolisme fait alors vite des ravages au sein de ces foyers privés de tout revenu. Leur région a subit un Zuud durant l'hiver 2010-2011 qui a aboutit à la perte de 20% du cheptel ovin. De plus en plus, le gouvernement essaie d'aider les éleveurs qui sont impactés par les catastrophes naturelles pour limiter l'exode rural et son lot de misère. Une aide alimentaire ponctuelle estdispensée aux régions sinistrées. Notre hôte nous met de suite à l'aise et nous impressionne par sa curiosité. Cette famille, comme beaucoup d'autres déjà rencontrées, baigne dans une culture occidentale car la télé est allumée au fond de la yourte, diffusant des clips de R&B ou de Lady Gaga, les matchs de l'Euro, les informations internationales, ou des sitcoms étrangers doublés en mongols.

En milieu d'après-midi, notre hôtesse prépare les abats du mouton. Déjà propres et découpés, il s'agit juste de confectionner des boudins en versant le sang dans un morceau d'intestin. Nous regardons avec attention, toujours avides d'apprendre les techniques et coutumes. Notre hôte trouve alors une phrase dans notre guide de conversation qui le fait beaucoup rire et qui signifie "Comment fait-on cela ?". Oui, nous voulons tout apprendre ! Comme pour la chèvre, le foie est grillé dans le poêle, le reste est mis à cuire à petit feu 1h30 dans de l'eau légèrement salée. Hum, c'est bon et tellement inhabituel pour nous ! 

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L'un des fils part à la ville en moto pour vendre la peau de mouton qui servira à confectionner du feutre et une partie des intestins. Les parents font la sieste, nous bénissons cette belle rencontre. 19h30 marque la reprise des travaux extérieurs. Les fils rassemblent les troupeaux près de la yourte. Notre hôtesse se lance dans la traite des ses 10 vaches. Les veaux sont mis en enclos. La fermière en sort un, le laisse téter sa mère quelques minutes, puis prend la relève et prélève environ 2 litres, matin et soir, ce qui laisse bien assez pour le veau. 

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Ce soir, une partie des 20 bovins, 300 ovins et 160 caprins recevra aussi une dose d'antibiotiques. Mais pour cela, il faut attraper les bêtes qui ne se laissent pas faire...Deux  outils sont utilisés : le lasso qui n'est autre qu'une corde lancée sur les cornes de l'animal et une longue perche au bout de laquelle est attachée un filin qui est passé autour du cou de l'animal (une des extrémité du cordage est attachée au bout du bâton, l'autre est nouée a 80 cm du bout du bâton). La capture du bétail se fait à pied, en courant, mais en cas de difficulté, nos hôtes n'hésitent pas à monter à cheval. Leur dextérité nousépate, ils donnent l'impression de planer au-dessus de leur monture, tout en maintenant fermement un taureau au bout de leur lasso. Nous aidons comme nous pouvons : Philippe porte le flacon d'antibiotiques, Julie garde le cheval...

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A 21h30, la nuit tombe et nous rentrons, transits de froid. Des bouses font bientôt ronronner le poêle et nous mangeons à nouveau. Nous nous laissons aller dans cette ambiance chaleureuse jusqu'au lendemain. Eux quitteront leur emplacement dans quelques jours pour rejoindre leur camp d'été. A chacun sa route...  

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Commentaires
M
Quelle belle rencontre ! Vous m'épatez tous les deux de pouvoir communiquer de la sorte, sur des sujets aussi variés. Bravo, vraiment bravo.
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